Il y a maintenant un peu plus d’une semaine, j’ai eu l’occasion d’assister au rallye d’Espagne, 13e manche en 2019 pour le World Rally Championship (WRC), qui en compte 14. C’était une première pour moi et j’ai envie de vous partager mes impressions de cet événement et des résultats. Ayant passé quelques jours additionnels dans la région de Barcelone pour visiter après le rallye, c’est donc avec une semaine de retard que je vous présente ces textes et ces photos. Débutons donc par la portion «Compétition» du rallye, avant de passer à mes impressions comme spectateur de l’événement.

Mise en situation

Le quartier général du rallye d’Espagne est situé à Salou, une petite ville de la Catalogne en bordure de la Méditerranée, à environ 100 kilomètres au sud de Barcelone. Ce rallye est le seul du championnat à être disputé à la fois sur gravier et sur asphalte, demandant aux écuries un travail immense entre les différentes étapes pour adapter les voitures aux différentes conditions d’adhérence. Les Espagnols sont fous de leur rallye et les foules qui s’agglutinent dans les zones-spectateurs aux abords du parcours sont impressionnantes, quand on considère qu’il faut parcourir de grandes distances autant en voiture qu’à pied pour y accéder.

Dans les 15 dernières années, le championnat WRC a été dominé par deux pilotes français, soit Sébastien Loeb (9 fois) et Sébastien Ogier (6 fois), les deux plus grands palmarès de la discipline. D’ailleurs, depuis 2005, Sébastien Loeb n’a jamais perdu un rallye d’Espagne qu’il a disputé, et ce même s’il pilote à temps partiel depuis deux saisons. Mais en 2019, le portrait a changé, alors que Ott Tänak, un Estonien pilotant pour Toyota, menait le championnat avant le rallye d’Espagne et pouvait mettre la main sur le premier titre non-français (et non-Sébastien) depuis belle lurette.

 

Une première journée sur le gravier

La majorité des kilomètres composant les étapes spéciales dans la journée de vendredi étaient disputés sur des routes de gravier. Sébastien Ogier, sur Citroën, devait obtenir un excellent résultat en Espagne pour espérer se rapprocher de Tänak au classement. Et c’est ce qu’il fit dès le départ, prenant la tête à la première spéciale. Malheureusement pour lui, un conduit hydraulique de la direction assistée s’est ensuite détaché, demandant près de 4 minutes d’arrêt, le mettant dans l’impossibilité de se battre pour la suite de l’épreuve. Les mécaniciens ont réglé le problème lors du service de mi-journée mais le mal était fait, sans compter les ampoules aux mains qu’Ogier devait maintenant endurer.

La suite de la journée a alors été l’affaire des trois pilotes Hyundai. Le belge Thierry Neuville (éternel 2e au championnat depuis longtemps), l’espagnol Dani Sordo et le français Sébastien Loeb ont tous les trois mené le rallye tour à tour et c’est Loeb qui a finalement terminé la journée en tête, 1,7 secondes devant Neuville et 7,6 secondes devant Sordo. Pour Hyundai, qui bataille avec Toyota pour le titre des constructeurs, c’était un début inespéré pour le rallye catalan. Pour Neuville, l’enjeu devenait important puisqu’avec les difficultés de Ogier, il devenait le seul pilote étant désormais en mesure d’empêcher Tänak de remporter le titre. Il devait cependant éviter les erreurs pour remporter le rallye.

En fin de journée, les mécaniciens sont dans une véritable course contre la montre alors qu’ils doivent complètement modifier la configuration des voitures pour les préparer en vue des spéciales disputées sur asphalte pour tout le reste de l’épreuve. Le parc de service de Salou devient alors une véritable fourmilière.

Neuville mène mais Tänak s’approche

La journée du samedi était composée de deux boucles de trois étapes, plus une courte étape spéciale sur le front de mer à Salou, afin de permettre à tous d’admirer les bolides en action en pleine ville. Avec un total de plus de 122 km à faire en spéciales, tout pouvait arriver. Pour sceller le titre si Neuville l’emporte en Espagne, Tänak devait terminer au deuxième rang du rallye.

Neuville s’est donc mis au travail et a pris les devants du rallye à la fin de la journée du samedi, avec de très belles performances sur le tarmac des campagnes espagnoles. Mais Tänak n’a pas non plus chômé, ayant remporté quatre des sept spéciales du jour. C’est donc sur les épaules des coéquipiers de Neuville chez Hyundai que reposait la responsabilité de ne pas laisser s’échapper Tänak au deuxième rang. Malheureusement pour Loeb, il n’était pas aussi en verve que la veille sur le gravier et n’a pas pu résister aux assauts du pilote de Toyota Gazoo Racing.

En fin de journée, Neuville était en tête avec plus de 21 secondes d’avance sur son coéquipier Dani Sordo. Cependant, Loeb avait cédé le 3e rang à Tänak par 6 dixièmes de seconde. Pour ce dernier, malgré 4 victoires en spéciales pendant la journée, le travail de poursuite devrait donc se poursuivre le lendemain, pour la dernière journée du rallye. Au championnat des constructeurs, Hyundai était encore en selle, après la sortie de route de Kris Meeke chez Toyota, qui devait maintenant compter sur Latvala pour  maintenir ses chances de rejoindre Hyundai.

.

Tänak fait le nécessaire

Le dimanche est traditionnellement une journée plus courte en rallye, avec moins de spéciales au programme. Et la dernière spéciale, la Wolf Power Stage, offre des points-boni aux 5 pilotes qui font le meilleur dans celle-ci. C’est donc avec un espoir prudent que Tänak abordait la journée. Encore troisième derrière Sordo avant la toute dernière spéciale, il a tout donné pour le coiffer au fil d’arrivée par seulement 4 dixièmes de seconde, n’ayant ainsi pas besoin des points-boni supplémentaires pour assurer son titre. Pourtant, Neuville était très motivé en début de journée et a affiché d’excellents chronos, terminant plus de 17 secondes devant Tänak. Quant à Loeb, il a continué de peiner sur l’asphalte et n’a pas pu remonter sur le podium. Pour la première fois depuis 2005, il ne termine donc pas à la première position d’un rallye d’Espagne dont il a pris le départ.

Avec sa victoire en Espagne et les problèmes de Ogier, Neuville prend le deuxième rang du classement, avec 10 points d’avance. Il pourrait donc ENCORE une fois terminer au 2e rang du classement final en WRC, une position qu’il ne connaît que trop bien. Mais il accumule surtout des points importants pour Hyundai, qui a maintenant 18 points d’avance sur Toyota au championnat des constructeurs, avec seulement une épreuve à disputer en Australie.

C’est donc avec un tout nouveau champion du monde que Salou a célébré la fin de son rallye 2019, le premier Estonien de l’histoire. Pour Toyota, c’est aussi un premier titre chez les pilotes depuis Didier Auriol en 1994. Le RallyRACC sera retiré du calendrier en 2020, pour revenir en 2021 et ainsi de suite en alternance pour les prochaines années.

Ott Tänak: la route vers le championnat

Pour obtenir son premier titre, Tänak a connu une saison haute en émotions. Sur les 13 premières épreuves de la saison et une seule à disputer en Australie, il a obtenu 6 victoires, donc 4 en 5 rallyes en milieu de saison. Il est aussi monté sur le podium 9 fois et n’a jamais manqué le Top 10. Depuis le Tour de Corse en 2017, il a gagné au moins une étape spéciale dans les 35 rallyes qu’il a disputé. Il a aussi remporté 6 victoires dans le Wolf Power Stage, qui offre 5 points-boni au vainqueur. Il aurait pu y inscrire 7 victoires mais a volontairement terminé au 2e rang lors d’une de ces spéciales pour ne pas avoir à ouvrir le rallye suivant, un geste stratégique qui lui a valu plusieurs critiques mais qui s’est avéré payant au final.

 

Surveillez bientôt un deuxième texte, où je vous ferai part de mes impressions comme spectateur d’un rallye WRC pour la première fois.