Il y a de ces familles qui vivent des histoires dignes de scénarios hollywoodiens. Des familles éprouvées par la vie, qui ont été confrontées à des situations hors-normes…
Dans cet article, Robert Stastny, fils de Marian Stastny, va nous partager son ressenti
De mon œil d’enfant du primaire, aucun autre joueur de hockey ne possédait leur talent. J’étais jeune mais je me rappelle très bien les avoir vus filer sur la surface glacée. Comme pour plusieurs, mon préféré était Peter mais Anton et Marian étaient aussi extrêmement talentueux.
J’ai eu la chance dans ma jeunesse de poser mes fesses sur les sièges de bois inconfortables du vieux Colisée de Québec. J’étais privilégié, nous profitions de la disponibilité de billets de saison appartenant à un membre de la famille dans la section des rouges. Mes frères et moi avons donc vu plusieurs duels des Nordiques de Québec. Quoiqu’il en soit, c’est à cette époque que j’ai commencé à rêver de vivre la vie d’un Stastny. Et puis j’ai vieilli. J’ai compris que leur venue fut certainement une épreuve terrible et qu’ils durent certainement passer par des étapes anxiogènes. C’est là que j’ai compris que j’avais une vie de rêve et que jamais je n’échangerais leur passé contre le mien.
Une réflexion est venue. L’histoire démontre que lorsqu’une personne célèbre vit des événements joyeux ou perturbants, on oublie de parler de leurs proches qui vivent sensiblement les mêmes. Qui sont ces gens et comment l’ont-ils vécu? J’ai de la chance Robert Stastny, fils de Marian, est dans mes contacts Facebook, il pourrait certainement répondre à mes interrogations. Alors pourquoi ne pas le lui demander?
Un rappel historique
Faisons un petit rappel historique pour les plus jeunes. Il y a un peu plus de quarante ans, Peter et Anton Stastny s’enfuyaient de leur Tchécoslovaquie communiste natale pour venir jouer au hockey dans l’organisation des Nordiques de Québec alors qu’ils participaient à la Championnat du Monde de 1980 à Innsbruck en Autriche, laissant derrière eux leur frère Marian et sa famille. Cette séparation ne se fit pas sans heurts. Marian et la mère de Robert ont subi les foudres de leur gouvernement, conséquence de la défection fraternelle. On menaçait sa mère de ne plus jamais avoir de travail si… en fait Robert était si jeune qu’il ne savait pas trop ce qu’on leur demandait. Mais il y avait bien de la pression et des menaces. Est-ce que ces membres du gouvernement auraient réellement été jusqu’à exécuter ces menaces? Robert l’ignore.
Une année plus tard, ce fut au tour de la famille de Marian de traverser l’Atlantique pour rejoindre ses frères. Bien que la vie de Robert Stastny devint plus “normale” une fois installé au Canada, les épreuves passées restèrent omniprésentes. Pour Robert, le fils de Marian, les conséquences de ces défis auront teintées le reste de sa vie.
La peur omniprésente
Robert est arrivé au Canada le 28 juillet, il n’avait que 5 ans. Malgré son jeune âge, il affirme sans hésiter que la fuite de la Tchécoslovaquie fut terriblement traumatisante. En traversant le rideau de fer, ils renonçaient à tout contact avec ceux et celles qu’ils laissaient derrière. Ils ne reverraient plus jamais leur famille, ni leurs amis. Tous savaient qu’une fois le rideau de fer traversé, il n’y aurait plus de retour en arrière.
-Personne ne nous avait averti qu’on fuirait notre pays sinon on (les enfants) aurait jamais accepté.
Robert Stastny
La tension, même son père la vivait. Il raconte que Marian avait acheté une bouteille de Champagne pour célébrer l’aube de leur nouvelle vie, mais qu’arrivé en Yougoslavie, il l’aurait déversée dans les toilettes. Il n’était plus question de fêter quoi que ce soit, l’angoisse dictait le ton.
-À ce moment-là, j’ai beaucoup pleuré, j’étais suffisamment traumatisé et j’avais suffisamment peur pour m’en rappeler encore aujourd’hui.
-Robert Stastny
Il était jeune, 5 ans à peine. Évidemment tout est plutôt flou dans sa mémoire mais un souvenir perdure depuis; la peur. Dieu qu’il avait peur!
Oui il avait peur. Mais Robert insiste pour dire qu’il y avait plus que ça. La tristesse et la frustration face à l’injustice était présente chez bien des Tchécoslovaques.
Fin du régime communiste et retrouvailles familiales!
Robert n’en n’a que de beaux souvenirs. Il y a eu un moment où sa grand-mère venir les visiter à Québec. C’était la joie dans la maisonnée.
Grâce à la fin du régime communiste. Robert pu nouer de nouveaux liens avec ses racines. Enfin il pouvait retourner dans son pays où il retrouvait les visages de ses cousins, cousines et amis avec qui il jouait dans le carré de sable. Lors de la saison 1993-1994, il y rejoint les rangs d’une équipe de hockey locale de niveau junior et puis en 2003 il occupa un emploi à temps plein.
Il a même pu bénéficier des conseils de sa grand-mère avant son décès, qui lui rappelait de ne jamais oublier ce qui comptait le plus dans sa vie, prioriser le plus important au dépens de ce qui compte le moins. Parlait-elle de la famille? On s’en doute.
Et maintenant!
Le déménagement en pays étranger n’a pas eu que du mauvais. Robert a appris le français dans l’année suivant son arrivée. Marcel Aubut a organisé leur entrée dans une école anglaise de Sainte-Foy, Robert était bilingue un an plus tard seulement. Il parlait parfaitement trois langues. Sa capacité à communiquer lui permet aujourd’hui de travailler n’importe où dans le monde.
Mais le traumatisme perdure encore. Robert affirme ne pas réussir à avoir de vie “normale”. Il n’a toujours pas d’enfants et est incapable d’avoir une relation de couple stable. En 2010 il a même renoncé à une carrière internationale que beaucoup rêveraient d’avoir. Et puis il y a les débats actuels entourant les avoirs de son père. Bien qu’il affirme que 1981 ne peut être responsable de tout, l’épreuve compte certainement dans le lot des causes à effets.
Malgré tout, il persiste. Si Robert doit toujours composer avec les blessures du passé, il compte maintenant sur l’Art pour le réconforter. C’est ainsi qu’il trouve son réconfort.
- L’art guérit, me dit-il.