Crédit photo: Formula1.com
Williams monte sur le podium. Mazepin a le meilleur tour. M’a t’prendre un 6/49 !
Le circuit de Spa-Francorchamps accueillait la F1 au retour de sa pause estivale du mois d’août. Privés de course depuis 2019, les amateurs belges et ceux des pays voisins attendaient avec impatience la suite de la bataille entre Verstappen et Hamilton sur le long circuit de 7 km qui serpente à travers la forêt. Mais la région des Ardennes, où est situé le mythique circuit, a la réputation d’être une vraie boîte à surprises météorologique. Et la fin de semaine dernière a été un autre exemple parfait de ce qui a fait cette réputation. La pluie s’est invitée toute la fin de semaine, venant perturber non pas seulement la F1 mais aussi les autres séries qui complétaient l’horaire du weekend, dont la W Series.
Dès le samedi lors de la séance de qualifications, quelques minutes après des appels au drapeau rouge par Sebastian Vettel, Norris a complètement détruit sa voiture en en perdant le contrôle dans le secteur Eau Rouge, sur une chaussée mouillée. La veille, toujours au même endroit, après un simple petit crachin, un horrible carambolage impliquant 5 voitures de la W Series a donné la frousse à tout le monde. Heureusement, toutes les pilotes s’en sont bien tirées dans les circonstances, grâce entre autres au système HANS, au halo et à la cellule de survie dont toutes les monoplaces de la FIA sont équipées. Par contre, il ne faut pas oublier la tragédie de 2019, alors que le jeune pilote de F2 Antoine Hubert, ami de plusieurs des pilotes actuels en F1, est décédé dans le même virage, en se faisant harponner par un autre véhicule s’amenant à pleine vitesse.
Dimanche, à 15h, heure prévue du départ de la course, le ciel se déversait sur le circuit. Pourtant, les spectateurs étaient nombreux sous leurs parapluies, assis dans la boue tout autour du circuit. Même dans les tours préparatoires, à relative basse vitesse, Perez a perdu le contrôle et endommagé sa voiture dans un mur de pneus. C’est donc derrière la voiture de sécurité que le tour de formation s’est déroulé, avant que le drapeau rouge ne soit présenté aux pilotes. Pendant la longue attente, on a décidé que Perez pourrait prendre le départ à partir de la ligne des puits (malgré le fait que sa voiture était revenue aux puits sur une remorque), on a appris que le règlement limitait à 3 heures la durée d’une course après le tour de formation, incluant les interruptions et on s’est fait répéter que si une course comptait plus de 2 tours mais moins que 75% du nombre de tours prévu, seulement la moitié des points étaient décernés.
Au final, les voitures sont parties derrière la voiture de sécurité, ont fait deux tours à basse vitesse, sont rentrées aux puits et les écuries ont fait leurs bagages, non sans qu’une cérémonie protocolaire du podium ait eu lieu, pour souligner la «victoire» de Verstappen devant Russell et Hamilton, selon les positions obtenues à la séance de qualifications. Perez a terminé bon dernier puisqu’il partait derrière tout le monde. Une grande mascarade, une sorte de mauvaise pièce de théâtre présentée par un metteur en scène incapable de créativité. Personne n’était heureux. Ni les spectateurs qui n’ont pas eu de course (et qui ne seront probablement pas remboursés), ni les pilotes qui n’ont pas pu compétitionner, ni les amateurs qui sont privés d’une course qui s’annonçait enlevante, ni la Formule 1 qui fait maintenant face à un tollé de critiques fusant de toutes parts. Plusieurs amateurs ont crié au scandale, mentionnant au passage que les pilotes étaient devenus des êtres trop douillets, qui ne veulent plus prendre de risques.
Mais quelle était la solution? Devant l’incessante pluie et la visibilité nulle pour tous les pilotes derrière le meneur, qu’aurait-il fallu faire? La FIA et la F1 se sont retrouvés devant une impossible décision.
S’ils décidaient de démarrer la course dans ces conditions, ils auraient été les premiers à se faire blâmer sévèrement si un accident sérieux était survenu pendant la course. Bien sûr, dans les années 70 ou 80, on aurait applaudi le spectacle et si un pilote avait été blessé (ou pire encore), on aurait simplement ajouté son nom dans la longue liste des éclopés de la course automobile, qui s’allongeait chaque mois à cette époque. Veut-on vraiment revenir aux standards de sécurité et à la fréquence des décès de cette époque? Vraiment? Ce n’est pas une question d’être peureux ou douillet, c’est simplement que la nature des contrats et des responsabilités qui reviennent à plusieurs entités impliquées n’a rien à voir avec ce qui existait auparavant. La sécurité des pilotes, des signaleurs et des spectateurs passe avant tout le reste maintenant. Et je pense que c’est bien ainsi.
S’ils décidaient de faire une fausse course, juste pour la considérer comme complétée, comme ce qui est arrivé, ils se feraient traiter de tous les noms, exactement ce qui se passe présentement sur les réseaux sociaux.
S’ils décidaient de la reporter au lendemain, ils auraient été confrontés avec un important contingent de travailleurs de piste bénévoles (signaleurs, commissaires de piste, etc.) pour qui il aurait été impossible d’être présents, avec des spectateurs aussi incapables de revenir le lundi et des réseaux de télévision qui n’auraient pas voulu présenter la course un lundi après-midi. Sans compter que le Grand Prix des Pays-Bas se déroule cette fin de semaine et que le transport des équipements nécessite chaque heure disponible entre les deux courses, même si la distance à parcourir n’est pas si grande.
Enfin, s’ils décidaient de complètement annuler la course, ils auraient affronté une avalanche de misères contractuelles qui se serait abattue sur eux. Les règlements de la F1 n’ont pas prévu une telle situation et le merdier juridique aurait été incroyablement complexe. En mettant tout ça dans le chaudron, on réalise que la soupe était condamnée à ne pas être comestible. Quoi qu’elles fassent, la FIA et la F1 étaient elles aussi condamnées. Il leur faudra rapidement prévoir tout ça dans une prochaine version des règlements.
Un des quatre mauvais scénarios a donc été choisi. Était-ce le pire? Le meilleur des pires? Difficile à dire, puisqu’on ne saura jamais si une course «normale» aurait généré un bon spectacle, un spectacle ennuyeux, de la casse matérielle inutile ou une tragédie humaine évitable. Encore une fois, je pense que c’est bien ainsi.
Qu’est-ce que j’aurais fait si j’avais été assis dans la chaise de Masi, le directeur de course? J’aurais probablement réalisé à 15h que la météo n’allait pas s’améliorer à moyen terme, j’aurais annulé la course pour des raisons de sécurité (sans attendre 4 heures plus tard), j’aurais exigé que les spectateurs soient compensés d’une façon ou d’une autre, je les aurais remercié d’y être et je leur aurais dit espérer les revoir en 2022.
Pour l’anecdote, j’étais au Grand Prix des États-Unis en 2005. J’ai vu cette course à 6 voitures, après le retrait des écuries équipées de pneus Michelin, pour des raisons de sécurité. J’ai été déçu. La course avait eu lieu et les promoteurs n’avaient aucune obligation de nous offrir quoi que ce soit. Nous avons malgré tout obtenu un crédit pour la course de 2006. J’y suis retourné. Et je suis encore la F1. Il y a moyen de se sortir d’une situation impossible et de sauver la face. La F1 a manqué cette chance, espérons que les promoteurs du Grand Prix de Belgique auront une pensée pour les amateurs.
Ceci étant, les demi-résultats du Grand Prix de Belgique ont permis de resserrer les classements cumulatifs entre Red Bull/Verstappen et Mercedes/Hamilton et ont aussi permis à Russell d’inscrire son premier podium en F1 pour l’écurie Williams. Sa performance du samedi en qualifications était exceptionnelle et ces points sont mérités, il ne fait aucun doute. On se déplace maintenant vers le nouveau vieux circuit de Zandvoort et la mer orange envahira les gradins.